Pour cette deuxième manifestation de l’année, le Club des Affaires nous promettait une conférence avec un banquier. Nous avons eu beaucoup plus. Philippe Oddo est tout sauf un banquier ordinaire. Dans l’ambiance exceptionnelle du Sky Lounge, nous avons eu droit à un exposé très personnel, une leçon d’enthousiasme entrepreneurial et de passion politique européenne.
Le groupe Oddo a repris en 2016 la banque privée BHF, une institution francfortoise mal en point et encore plus mal en point qu’attendu, reconnaîtra Philippe Oddo. De cette opération est né le seul véritable groupe bancaire franco-allemand. La fusion a été à la fois technique et culturelle. En écoutant les différents éléments du fonctionnement de ce binôme, l’auditeur se perd : Philippe Oddo semble avoir pioché dans les deux cultures. Le directoire est nationalement paritaire et chacun assume les responsabilités pour les deux pays. L’organigramme et le schéma décisionnel sont venus de France, mais avec une rigueur toute allemande qui s’est infiltrée en retour dans l’ensemble du groupe. Il faut écouter un patron français parler de son comité d’entreprise comme un partenaire, et se déclarer absolument convaincu des effets de la cogestion. Cette cogestion va même très loin puisque 30% du capital est détenu par les employés du groupe. Pour certains d’entre eux, l’investissement dans leur entreprise dépasse en valeur celle de leur bien immobilier. Philippe Oddo a d’ailleurs lancé une gentille pique aux administrateurs indépendants siégeant dans les conseils d’administration, qui connaissent souvent insuffisamment l’entreprise. Chez Oddo-BHF, ceux qui connaissent les affaires prennent les décisions.
Philippe Oddo est surtout intimement passionné du franco-allemand. Découvrant l’Allemagne dans sa jeunesse en apprentissage, et pendant quelques mois en internat dans un lycée, il vit les deux pays autant qu’il y réside, en alternance entre Paris et Francfort. Il n’a pas sa langue dans sa poche et n’hésite pas à commenter l’actualité des deux pays, la nouvelle présidente de la CDU, les efforts de mise en place d’une politique industrielle européenne… Sur le domaine bancaire notamment, même s’il ne veut pas commenter le débat Deutsche Bank-Commerzbank, il salue les instances de régulation allemandes et françaises beaucoup plus capables d’accompagner les banques qu’on le présente souvent. Le secteur a péché au cours des dernières années et il en a payé le prix. Attention cependant à ne pas tendre trop fort la laisse en retour. Même les meilleurs remèdes peuvent faire mal au patient quand la dose est exagérée.
Enfin, Philippe Oddo a évoqué encore deux initiatives qui lui tiennent beaucoup à cœur. La première est la consultation « We Europeans » à laquelle les employés ont été encouragés à contribuer. Sorte de grand débat à la mode européenne, elle offre une plateforme de participation à la société civile pour réinventer concrètement l’Europe. La seconde est venue en interne : la Ladies Bank, née de l’initiative de 3 collaboratrices du groupe ODDO BHF, vise à comprendre ce qui éloigne les femmes des thèmes financiers afin de leur proposer une offre qui leur donne envie de s’y intéresser et de prendre soin de leur patrimoine. Oddo développe ainsi une approche culturellement différenciée. La Ladies Bank marche bien en France ; en Allemagne c’est plus lent, mais ça va prendre !
La soirée s’est poursuivie dans le Sky Lounge, un espace panoramique au dernier étage de la tour qui accueille la banque à une encablure de la place de l’Opéra. La vue y est exceptionnelle, en particulier le soir. Préparé par les cuisines de la maison, le buffet n’avait rien à envier à un établissement gastronomique. Deutsche Gemütlichkeit et excellence française réunies pour un flamboyant final franco-allemand.